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L’homme qui voulait savoir, 2018

lundi 10 juillet 2017, par Robin Hunzinger

“L’homme qui voulait savoir” moyen-métrage documentaire , 52 minutes, 4K, 5.1, 2018.

Dans les forêts vosgiennes, plus de 70 ans après les faits, un homme épris de justice, Gérard Villemin, veut rompre le silence établi depuis plus de 70 ans et affronter les tabous d’une des pages les plus sombres et les plus héroïques de la résistance française.

Bénéficiaire de l’aide à l’écriture de l’Agence culturelle du Grand Est. Lauréat de la Bourse Brouillon d’un rêve de la SCAM.

Coproduction : SUPERMOUCHE PRODUCTIONS et FRANCE TELEVISIONS

Dans les forêts vosgiennes, le 30 août 1945, Marie Sublon, sa fille Madeleine et le petit Jean-François, trois ans, sont retrouvés morts dans leur ferme particulièrement isolée de la vallée du Rabodeau. Le même jour, à quelques kilomètres de là, le facteur découvre les corps inanimés des époux Rulhmann et de leurs deux enfants de trois ans et deux ans. Deux familles de « collabos », d’après la rumeur. Cinq ans plus tard, une lettre anonyme dénonce Fernand Caritey, le chef local de la Résistance. Lors de son procès, il sera reconnu coupable de ces meurtres, mais finalement acquitté.
Plus de 70 ans après les faits, un homme épris de justice, Gérard Villemin, veut rompre le silence établi depuis plus de 70 ans et affronter les tabous d’une des pages les plus sombres et les plus héroïques de la résistance française.

Un paysage gris taillé dans le grès et les couleurs froides, au couteau, un ciel effondré en masse blême, jusqu’à mi pente des montagnes sombres. Un homme, revêtu d’une parka en tweed de chasse et grand chapeau en feutre sort de sa voiture et regarde sa carte. Il chuchote à lui-même un : « C’est ici ».
Il semble bien seul dans ce gigantesque remous blanchâtre figé. Brume ou nuages, impossible de faire la différence. L’homme s’avance vers une vieille bâtisse.
On l’entend dire : « Le 30 aout 1945 les localités de Saint-Stail et d’Hurbache dans les Vosges sont le théâtre de deux terribles tueries. Marie Sublon, 53 ans, sa fille, Marie-Madeleine, 23 ans, et l’enfant de celle-ci, le petit Jean-François, 3 ans, sont retrouvés dans leur ferme particulièrement isolée près du col de Saales, abattus à coups de mitraillette. Ici même. D’après la rumeur publique, la veuve Sublon et sa fille étaient considérées comme des collaboratrices. »
L’homme remonte dans la voiture. Les pentes visibles coulent jusqu’à la vallée étroite qu’un glacis vert-de-grisé uniforme recouvre, strié de haies brunâtres déplumées et de bandes d’épicéas noirs. En haut, un panneau indicateur annonce « Le chêne Pierrot ». C’est une sorte de plateau montagnard, juste au-dessus de la vallée. Là aussi juste une ruine au loin. L’endroit est désolé. L’homme ressort de la voiture et s’avance dans le vent. Il fait le tour d’une ruine qui ne semble plus habitée depuis des années. Les volets sont clos. On peut juste voir des traces lointaines d’un incendie aux fenêtres du pignon, sous le toit, comme un sale Rimmel dégoulinant sous des yeux ahuris. Broussailles et ronces empêchent de rejoindre l’entrée. L’homme reprend en off : « Le même jour, à plusieurs kilomètres, un facteur découvre au lieu-dit Le chêne Pierrot à Hurbache, le cadavre de Georgette Rulhmann, 22 ans. Alertés les gendarmes découvrent aussi le cadavre de son mari et de leurs 2 enfants, Richard, 3 ans, et Daniel, 2 ans. On reprochait aussi aux époux Ruhlmann des faits de collaboration. Les deux familles sont d’origine alsacienne.
5 ans plus tard, en 1950 une lettre anonyme parvient à la police judiciaire indiquant le nom des coupables. Fernand Caritey, le chef local de la résistance est arrêté et jugé pour ses meurtres avec deux complices. Bien qu’il soit reconnu coupable il est acquitté. Pourquoi ? Qui était Caritey ? Que cache cette affaire ? Qu’en reste-t-il 75 ans après ? Est-ce que cette affaire est une exception ? Arbre qui cache la forêt et qu’il serait préférable de taire au motif que ce rappel peu représentatif porterait atteinte à la réputation de toute la Résistance ?
Vue plongeante d’un petit village entouré de montagnes et ramassé autour d’une église tellement grande.
On entend la voix de l’homme dire : « Un peu avant, à la fin de la guerre, cette petite vallée des Vosges a été le théâtre d’une exceptionnelle tragédie. En pleine débâcle allemande, à l’automne 44, près de 1 000 villageois, forestiers et paysans, ont été déportés vers les camps de concentration du Struthof, de Dachau et d’Auschwitz, en représailles à des actions de résistance. Peu d’entre eux sont revenus. La vallée a le taux de mort par habitant le plus haut après Oradour sur Glane en Limousin. Pourtant personne n’a parlé de ce drame ; la plupart des héros ont étés déportés et la vallée est restée enfermée dans un étrange mutisme. Caritey faisait peur et les morts ne pouvaient plus parler. »
L’homme qui se pose ses questions, c’est Gérard Villemin, un enfant de la vallée, fils et orphelin de déporté. Il pense que les crimes et le silence autour de l’histoire de sa vallée sont liés. Il veut rompre ce silence. Il ne peut pas excuser les vengeances et les règlements de compte.
Un tel propos s’inscrit dans les reconfigurations plus larges de l’histoire de la Résistance qui voit bon nombre de ses récits contestés pièces en main par des
historiens. Le temps a fait son œuvre ; il faut que la vérité éclate pour évacuer les non-dits, les suspicions ! Le vivre-ensemble ne peut être établi quand le doute et les rancœurs s’installent durablement...
La politique et les gouvernements d’union nationale qui se sont succédés à la Libération ont malheureusement légitimé en partie le silence et les accords implicites pour taire certains agissements coupables. Pas ceux des femmes et hommes qui se sont engagés au péril de leur vie non, mais ceux qui comme toujours voulaient tirer leur épingle du jeu comme l’on dit. Des chefs d’entreprises puissants, des préfets ayant de bons carnets d’adressent, profiteront du temps pour se refaire une virginité.
Mais voilà que plus de 70 ans plus tard, un individu obstiné, enfant de déportés, s’est un jour manifesté, n’acceptant pas le travestissement des faits. Non par désir de vengeance - mais par désir profond de compréhension. Depuis une dizaine d’années, il enquête. Il veut savoir ce qui s’est passé chez lui. Le faire savoir. Il veut, par la connaissance des faits, réparer l’injustice de l’oubli.
Ce film va suivre les pas de Gérard et ses compagnons et nous raconter l’une des pages les plus héroïques, les plus méconnues et les plus étouffées de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale en France, une des pages où se nichent les derniers tabous concernant la Résistance, et les troubles de la Libération.
En suivant deux mouvements, l’affaire Caritey d’une part, et de l’autre, l’histoire des véritables héros oubliés qu’elle dévoile, le film va proposer, par effet de miroir, une mise en abyme de l’Histoire.
Avec son lot d’opportunistes, de frileux, de bavards, d’opiniâtres, de courageux et de lâches.... Et toujours des pactes, plus ou moins clairs, plus ou moins dits .... Des « marchés conclus » plus ou moins implicites, que la mort des uns et la disparition des autres ont fait tomber dans l’oubli ! Les Comités de Libération ce n’était pas le modèle même de la justice universelle : c’était souvent des comités d’épuration !