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"Sarajevo : Notre résistance" , 2011

jeudi 8 septembre 2011, par Robin Hunzinger

“Sarajevo : Notre résistance” moyen-métrage documentaire, 52 minutes, HD, 2011.

Un portrait en creux de Francis Bueb, ce contrebandier de la culture, fils spirituel d’André Malraux : En 1994, Francis Bueb quitte sa confortable vie parisienne pour s’installer dans Sarajevo en guerre. Il y crée, sous les bombes, le centre culturel André Malraux. Il n’a plus jamais quitté la ville.

Rencontres internationales Meeting de Saint-Nazaire, France, 2011 / Forum des Images, Paris, France, 2011 / Rencontres européennes de la culture, Sarajevo , Bosnie-Herzégovine, 2011. / Plateau de Sarclay, artsciencefactory, Palaiseau, France 2011 / Mois du film documentaire 2012

Lien vers le film en VOD (location et achat) :
https://robinhunzinger.vhx.tv/products/sarajevo-notre-resistance

Intentions

En 1994, Francis Bueb quitta sa confortable vie parisienne pour s’installer dans Sarajevo en guerre. Il y créa, sous les bombes, le centre culturel André Malraux. Il n’a plus jamais quitté la ville.

Ulcéré de voir le nationalisme d’un Karadzic prendre en otage une ville, où Serbes, Croates, Musulmans et familles mixtes vivaient en bonne intelligence, Francis Bueb s’impliqua dès l’hiver 1992/93 par des envois de livres. Il n’était mandaté ni par l’UNESCO, ni par la Commission Européenne, ni par la Conseil de l’Europe, ni par aucun ministère de la Culture. Mais des écrivains, des journalistes, des artistes, des militaires, des chefs d’entreprise soutinrent son projet. Fin 1995, quand les combats cessèrent en Bosnie, Francis Bueb décida de poursuivre l’aventure intellectuelle ainsi engagée et de rester dans la ville martyre. Il vit aujourd’hui toujours à Sarajevo.

Pour lui, l’engagement est la forme la plus avancée de l’action. Il a vécu profondément les renversements de son temps, en refusant de se limiter au rôle d’observateur ou de témoin.

Pourquoi ce seul garçon, né en Alsace parmi huit sœurs, d’une mère infirmière et d’un père gaulliste et cadre dans les mines de potasse d’Alsace, est-il resté là, dans l’enfer de Sarajevo ?

Pourquoi cet homme, qui venait de quitter la Fnac, où il avait dirigé l’action culturelle après vingt-cinq ans de bons et loyaux services, est-il venu s’enfermer dans ce lieu que l’écrivain Ozren Kebo appelle le « péché du monde » ?

Que veut dire l’engagement ? L’art est-il un véritable rempart à la barbarie ?

Ce film dresse un portrait de Francis Bueb (l’homme n’a jamais été filmé), ce contrebandier de la culture, fils spirituel d’Arthur Rimbaud et d’André Malraux.

Alors étudiant en cinéma à Jussieu, je suis parti avec deux amis à Sarajevo, en février 1993. Je voulais rencontrer Ademir Kenovic qui préparait un film avec le scénariste Abdullah Sidran.

C’était la guerre. Je m’interrogeai sur la barbarie, l’engagement et la place de la culture. Je pensais que l’Europe était en train de mourir à Sarajevo.

Mais si Sarajevo était devenue une cité martyre, je découvris qu’elle incarnait également le symbole de la résistance culturelle à la guerre, grâce à ses propres ressources créatives et intellectuelles. Les habitants réagirent à la désorganisation de leur vie quotidienne en organisant des pièces de théâtre, des expositions d’art, des concerts, en écrivant des livres et des poésies. J’ai découvert à Sarajevo une ville où l’on jouait « Hair » au Kamerni teatar pendant les bombardements.

Journalistes, photographes et metteurs en scène du monde entier convergèrent à Sarajevo durant le siège. L’art était devenu l’instrument de la résistance, et la créativité l’arme contre la destruction. Ainsi, dans le film Welcome to Sarajevo de Michael Winterbottom, on vit un violoncelliste interpréter l’Adagio d’Albinoni au milieu des ruines tandis qu’une chanson du groupe U2 écrite par Bono fut interprétée par Luciano Pavarotti. Sarajevo était bien devenue le symbole de la lutte de la civilisation contre la barbarie.

En revenant pour la première fois dans la ville en 2009, je me suis souvenu de mes yeux en colère, devant la télévision. Des enfants, des marchés, des ponts, des collines, des êtres, de la bibliothèque qu’on nous a, à tous, volés. Je suis passé devant le marché Markale ou deux bombes sont tombées pendant la guerre. J’ai fermé les yeux et j’ai revu les images de Senad, le présentateur de la télévision, qui pleure. Aujourd’hui les marchants de légumes sont à nouveau là.

Je me suis alors interrogé sur mon propre engagement, mes films. J’ai fini par aller au centre culturel André Malraux. J’ai rencontré Francis Bueb, un Alsacien comme moi, plus âgé que moi, que j’ai toujours suivi de loin, à travers ses publications autrefois aux éditions strasbourgeoises La Nuée Bleue, puis par la création de sa librairie française à Sarajevo avant qu’elle ne devienne ce centre.

Comme Jean-Michel Frodon, je me suis toujours posé ces questions : « Pourquoi être allé à Sarajevo en pleine guerre, au risque de se faire tuer ? Pourquoi y avoir ouvert un lieu de rencontres entre les habitants de la ville quand les circonstances les contraignaient à se cacher, à s’isoler ? Un lieu, aussi, de rencontres entre eux et des œuvres du monde entier, quand le siège visait à les couper du monde, à les déshumaniser autant qu’à les affamer ? Pourquoi avoir donné le nom d’André Malraux, artiste et homme politique dont le nom évoque les Comités antifascistes, les Brigades internationales et la Résistance ? Faut-il vraiment répondre à ces questions-là ? Qui ose les poser ? […] Le Centre André Malraux, c’est un lieu de recherche, un lieu d’échange, un lieu de contradiction. Pas seulement un espace où des adolescents découvrent Flaubert, Echenoz, Bilal, Resnais, Garrel. Pas seulement où l’enseignement du français à l’étranger n’est pas une procédure bureaucratique mais une dynamique désirée. Pas seulement l’outil qui a permis à Jean-Luc Godard ou à Chris Marker de faire quelques uns de leurs plus beaux films, pas seulement le moteur de festivals du livre sans équivalents, pas seulement même un espace de transmission d’une vision du monde dont la France et ceux qui parlent en son nom revendiquent toujours d’être l’incarnation. Un lieu pour mieux travailler, où que nous soyons – le plus souvent, loin de Sarajevo. La moindre défaillance peut tuer ce que fabriquent Bueb et les siens, mais c’est nous qui avons besoin d’eux. »

Qu’as tu vu dans cette ville, qu’as tu compris ? Qu’elle est ton idée de la France ? Penses-tu qu’il y est des bons, des mauvais ? Crois-tu encore en l’homme ? Ne crois-tu pas que, sans dogme, sans idéologie, l’homme ne sait plus qui il est ?

Où pouvons-nous collectivement partager une langue, une mémoire et un imaginaire ; nous initier aux mystères de la vie et des origines ; aux ruses de l’amour et à l’angoisse de la mort ; interroger la morale et questionner nos valeurs communes ? Où, si ce n’est précisément dans le champ culturel ?…

C’est là, dans les livres, dans les films et sur les scènes, que l’on peut résister contre la haine et tout ce qui rend vil.

Car la conscience est si fragile, si incertaine, qu’on peut la renier rapidement. C’est si naturel de se laisser aller, de ne pas chercher à comprendre le complexe, de haïr pour exorciser le mal fait en soi. Résister pour ne pas s’habituer à tout. Pour refuser l’intolérable.

Faire un film qui résiste et qui interroge la résistance morale et physique à la barbarie.

Pour cela partir de l’itinéraire de Francis Bueb, retracer les grandes lignes de cet engagement : le père gaulliste, son amitié très forte avec Clara Malraux, son idée de l’engagement, sa contrebande de livres pendant la guerre pour apporter des livres à Sarajevo. Rencontrer ceux qui l’ont aidé. Lire les livres qu’il a aimés. Interroger l’art, la guerre, la révolte, la persévérance.


Coproduction : BIX FILMS/GROUPE GALLACTICA / TLSP/ BHRT

Photographie : Gérard Rondeau

Lien vers le film en VOD (location et achat) :
https://robinhunzinger.vhx.tv/products/sarajevo-notre-resistance

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