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"Natzwiller-Struthof : Un souvenir français" , 2004

vendredi 8 octobre 2004, par Robin Hunzinger

“Natzwiller-Struthof : Un souvenir français”, moyen-métrage documentaire, 59 minutes, 2004
Ecrit avec l’aide de Brouillon d’un rêve, l’aide à l’écriture de la SCAM
Coproduction : AMIP / FRANCE TELEVISIONS

C’est un film pour comprendre l’invisible et le hors-champs de la mémoire, de l’oubli et de l’histoire du camps de concentration du Struthof, proche en cela de la pensée des philosophes Paul Ricoeur et Walter Benjamin : un film sur ce qui résiste, sur ce qui reste et s’efface dans la mémoire d’un lieu, en l’occurence l’ancien camp de concentration de Natzwiller-Struthof situé en Alsace dans le massif vosgien.

Festival International du film d’Histoire, Pessac, 2004.

Lien vers le film en VOD (location et achat)
https://robinhunzinger.vhx.tv/products/natzwiller-struthof-un-souvenir-francais

Le camp de Natzwiller-Struthof est implanté en Alsace par le pouvoir nazi en 1941. Ce camp est conçu pour recevoir 1500 détenus et contient une chambre à gaz. Plus de 45 000 personnes y sont "immatriculées" entre 1941 et 1944. 25 000 sont mortes. Le Struthof, seul camp de concentration en France, est un lieu-trauma, un lieu de mort, un lieu où "ça" est arrivé.

A partir de la découverte d’une série de photos où le préfet du Bas-Rhin incendie le 24 mars 1954 ce camp de concentration comme pour exorciser le mal, le film s’interroge sur la mémoire vive et la mémoire morte, l’oubli et la commémoration. Ce documentaire relate ainsi l’enquête autour de cet événement tout en confrontant les notions de culpabilité, de responsabilité, de faute, de honte, et de maîtrise du passé.

Ce passé qui ne veut pas passer vient nous visiter en permanence. Vichy, le procès Barbie, le procès Touvier, l’assassinat de R. Bousquet, la révélation des idées de jeunesse de F. Mitterrand, ses liens d’amitié avec Bousquet, la fameuse gerbe de roses sur la tombe de Pétain, l’impossibilité où était Mitterrand d’admettre que la France avait sa part de responsabilité dans les persécutions antisémites du régime de Vichy, le discours de Jacques Chirac reconnaissant cette responsabilité, le procès Papon et ses péripéties font "la une" de notre quotidien depuis une quinzaine d’années.

 Je suis né en Alsace et comme presque tous les jeunes alsaciens et français, je suis souvent parti en voyage de classe à Verdun, mais jamais au Struthof. On n’a jamais parlé du Struthof aux jeunes de ma génération.

 A trente ans, j’ai découvert dans le carnet de guerre de mon grand-père des coupures de presse des années 60, posées entre la première de couverture et la première page du journal. Elles parlaient d’un procès, d’expériences médicales durant la Seconde guerre mondiale perpétrées dans les montagnes vosgiennes, là même où Lenz et d’autres grands penseurs de la littérature allemande avaient séjourné.

 J’ai alors appris l’existence du Struthof. C’était il y a seulemement trois ans, alors que je suis né dans cette province où il fut construit.

 J’ai commencé à chercher des traces. Il n’y avait rien. A part quelques livres d’anciens déportés.

 J’ai fini par découvrir des phototographies du Struthof dans un centre de documentation où des officiels avec écharpe et drapeaux tricolores mettent le feu aux baraques du camp en 1954. On y voit le préfet du bas-Rhin mettant le feu à une des baraques entouré d’un sous-préfet et de députés. Pour quelles raisons ?
 J’ai ensuite parlé avec des membres du Cercle Taffel. C’est une association pour la mémoire des victimes des expérimentations sur l’ Homme perpétrées en 43 par des médecins nazis prestigieux (certains nobélisables) - ceci à Strasbourg - sur des déportés du Struthof.

Ce film relate l’enquête autour de l’élaboration de la mémoire de ce lieu et sur son mode de fonctionnement contradictoire. . En effet le camp du Struthof impose, par sa présence, la trace et le souvenir d’un événement. Mais celui-ci a été en partie détruit, et reconstruit par l’Etat, question d’ordonner à l’inconscient collectif l’oubli. Façon de dire aussi à la population que l’histoire change.

De plus si l’histoire est "une", les interprétations du passé sont nécessairement plurielles. C’est pourquoi ce film parlera de "travail de mémoire" plutôt que de "devoir de mémoire". Ainsi, la détermination éthique pourra s’intégrer à l’histoire en train de se faire.

Cette interrogation de la mémoire et de la non mémoire se fera à travers :

1. Le récit d’une enquête sur le processus de mémoire après les faits, après la guerre qui partira des photos de 54. On cherchera à comprendre comment ce prossessus a permis l’effacement des traces ( l’incendie officiel des baraques du camp) remplacées par la construction d’un mémorial dans les années 60. Puis on se penchera sur le projet de "Centre européen du résistant déporté dans le système concentrationnaire nazi" qui doit s’ouvrir sur les mêmes lieux en 2005.

2. le récit d’une enquête sur les faits pendant la guerre. On cherchera à mieux comprendre ce qui s’est passé dans le camp à travers la mémoire de déportés et de détenus allemands, français, luxembourgeois, yougoslaves, norvégiens et alsaciens.

Les deux niveaux vont sans cesse se confronter.

"Natzwiller-Struthof" est un film sur la mauvaise conscience tout comme sur la bonne conscience, et sur la fragilité d’une juste mémoire entre les deux.