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[Critique] Ultraviolette, entre passion et déraison (Magazine Zut)

vendredi 18 mars 2022, par La cavale

Ultraviolette et le gang des cracheuses de sang résulte d’un travail en famille. Mère et fils à l’écriture questionnent l’adolescence à travers les mots de Marcelle. Robin Hunzinger travaille la puissance poétique des images en mouvement, titillant nos références de cinéma, comme nos émotions (et ça marche). À voir ce jeudi en avant-première au Cinéma Star à Strasbourg.

Composé d’une mosaïque de films amateurs et expérimentaux, de quelques photographies aussi, véritable travail archéologique du visuel et des sentiments, Robin Hunzinger esquisse un théorème de la passion dans son documentaire Ultraviolette et le gang des cracheuses de sang. Une multitudes de corps féminins se mêlent et s’articulent sous les mots d’Ultraviolette, prononcés avec la douceur de voix de Claudie Hunzinger, la mère du réalisateur. « Ce mélange d’images amateurs, expérimentales et d’images de fiction, prend part à la forme du film qui pouvait tout à coup lui donner quelque chose de politique qui transmet l’esprit des lettres de Marcelle. Il y a d’abord des photographies, les images documentaires du film sur lesquelles on voit les vraies filles. Parallèlement, je me suis intéressé au travail des premières femmes cinéastes, là j’ai découvert Germaine Dulac, Maya Deren et j’ai trouvé beaucoup de choses passionnantes de cette époque, très modernes et qui avaient résisté à l’épreuve du temps. » Le film s’inscrit comme la continuité d’Où sont nos amoureuses ?, que le documentariste avait réalisé en 2007, là on creuse davantage dans le parcours de la vie tumultueusement libre d’Emma, à travers les mots d’une autre.
Ultraviolette est Marcelle, le premier amour d’Emma Pitoizet, la grand-mère de Robin. Marcelle et Emma se rencontrent dans une Ecole Normale en 1923. Quelques temps après, Marcelle atteinte de la tuberculose est cloitrée dans un sanatorium. Elle y fera la connaissance d’autres jeunes filles avec lesquelles elle formera un groupe soudé. Un gang de jeunes filles rebelles que la mort attend au tournant et qui, pourtant, débordent de vie. Marcelle racontera tout à Emma à travers plusieurs centaines de lettres, sa passion débordante pour elle, comme son désir croissant de liberté. Un travail de longue haleine raconte Robin. « On a chacun lu cette correspondance de notre côté et on a sélectionné ce qu’on aimait, indique-t-il. Elles s’écrivaient tous les jours, parfois trois fois dans la même journée, il y avait énormément de choses et on a essayé de construire une histoire à partir de ça. Au fur et à mesure du montage, on a encore enlevé la moitié du texte à partir du moment où l’image pouvait transmettre des sentiments ».

De la séparation des corps à la séparation des coeurs

Hors des sentiers battus, Marcelle construit sa vie, loin d’Emma qui se distancie à mesure que le temps passe. C’est un film qui raconte le premier amour, celui qui déborde de vous, et le manque. Un film qui commence à la séparation des corps et se termine par la séparation des coeurs, jusqu’au final « Je ne veux plus te voir ».
« On était vraiment dans le cœur et dans la tête d’une adolescente qui expérimente l’amour, la maladie et la mort. C’est Eros et Thanatos. Cette jeune fille adolescente, incandescente, qui traverse des époques et qu’on suit. Le film commence lorsqu’elle a 16 ans et se termine à 24 ans », explique le cinéaste. Véritable laboratoire d’expérimentations visuelles comme hommage à ces femmes affirmées et anarchiques, qui refusent le monde tel qui leur apparait et le passage à l’âge de raison. Ultraviolette et le gang des cracheuses de sang, indispensable, est en avant-première au cinéma Star, ce jeudi 17 mars à 19h45.

Par Ludivine Weiss

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