La cabane du recours aux forêts est un "lieu théorique" une "expérience de pensée", ou encore un "lieu psychique." Ce film documentaire interroge les notions de rébellion, d’expérience et de jeu, de critique ou d’utopie qu’ouvre l’idée même de la cabane.
La doctrine du recours aux forêts et de la cabane est antique comme le monde des hommes. Elle donne leurs grands thèmes aux contes et légendes avec les sorcières, les géants, les loups mangeurs d’hommes. On la retrouve dans l’essai, Walden ou la vie dans les bois, de l’américain Thoreau et dans Le traité du rebelle, de l’allemand Ernst Junger, tout comme dans les romans d’Arno Schmidt, du suédois Knut Hamsun, de l’italien Italo Calvino, et du beatnik, Kerouac. Et chez les Français ? Rien.
Qui croirait alors que ce thème s’incarne à profusion, en France, en ce début de 21e siècle ?
Car, même si l’antique forêt s’est transformée en domaine d’Etat et en domaine privé avec ses lois régissant la vie, des individus ont commencé et continuent à se perdre dans des endroits toujours reculés.
Pour quelle raison ?
La cabane est d’abord un savoir de l’enfance lié à son pouvoir de fabulation, magique, légère. L’excitation de l’enfant vient du pouvoir qu’il y découvre. L’enfant dans sa cabane joue, agit tout en se sachant dans l’illusion.
En va-t-il autrement des adultes ?
Non, probablement, beaucoup de personnes, pratiquant la cabane, se placent sous le signe de l’enfance et de sa proximité sensorielle avec les choses. Ses jeux peuvent émerger sous la forme de rêve éveillé, rêvasseries préparant ou non des passages à l’acte ; éventuellement, par le mécanisme de sublimation, ils peuvent s’intégrer au processus créateur de façon active (production de peinture, musique, littérature) ou passive (consommation de peinture, musique, littérature, d’émotions plastique ou dramatique). La cabane est de ce fait propice à la liberté, à l’imaginaire et à la création.
Mais la cabane peut aussi devenir une manière de vivre et un véritable recours. Elle marque souvent le passage entre une vie citadine et une nouvelle vie. Car la cabane est le premier abri que l’on peut se construire pour se protéger des éléments naturels. Aujourd’hui, beaucoup de ceux qui ont recours à la cabane des forêts ont été poussés dans des chemins sans voie, rejetés du monde, proscrits, condamnés, fugitifs. Pourtant, par ce fait étrange, ils se sont rencontrés eux-mêmes. Ayant développé le sens de la responsabilité individuelle, ils sont devenus les maîtres de leur destin grâce à une solidarité, rencontrée sur place, au contact d’une génération antérieure, sur place depuis les années 70, et qui les a menés vers le chemin de la liberté. Etre libre dans l’isolement absolu est-il une absurdité ?
Enfin, la cabane est par essence libertaire. Elle permet de refuser la législation, l’autorité et l’influence officielle et légale de notre monde et d’en créer un autre spontanément libre. Elle se propose de reconstruire la vie en commun sur la base de la volonté individuelle autonome. Elle est l’espace même de l’utopie. Les Rebelles rejettent la société moderne, qu’ils considèrent comme totalitaire. A l’inverse du Travailleur, ils refusent la nécessité et « combattent la technique qui mène le monde à sa perte ». Néanmoins, ils ne renoncent pas entièrement aux instruments modernes dont ils ont besoin pour préserver leur liberté. Mais les Rebelles peuvent se réfugier dans les forêts que tout homme porte en lui : l’art et la pensée.
Ce film documentaire interroge les notions de jeu et d’expérience sensorielle, d’autonomie, de réflexion ou d’utopie qu’ouvre l’idée même de la cabane.