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Vers la forêt de nuages : L’émergence du regard par Olivier Barlet (Africultures)

mercredi 6 juillet 2016, par La cavale

Découvert au festival du film africain de Louxor en mars 2016 où il a obtenu le prix El-Hossieny Abou-Deif du jury des droits de l’homme (Freedom Films), Vers la forêt de nuages est un documentaire familial qui sait dépasser la singularité de son approche de brillante façon.

Ivoirienne installée en France, Aya est infirmière. La mort de son père lui fait envisager un voyage retour pour revoir sa famille. Son mari est réalisateur de documentaires et lui propose d’en faire un film. Leurs deux enfants, Timothée 7 ans et Nina très petite sont aussi de la partie. Et voilà donc la famille partie pour l’Afrique.
Ce genre de films sont foison et le plus souvent, on reste extérieur à ces voyages intimes, cette singularité peinant à nous concerner. C’est tout le contraire ici. Sans doute cela tient-il à la façon dont le film est pensé. Condensé d’images impressives, rythmiquement montées, il se fait à la fois album de photos bien cadrées et résonnance intérieure. A la voix d’Aya, son histoire personnelle complexe, son pèlerinage, répond celle de Timothée qui part de ce qu’il savait de l’Afrique à travers les livres d’images (et que des vidéos d’éléphants et de girafes évoquent dans le film) pour découvrir le réel, le quotidien de sa famille africaine, celui des enfants, et ce qui lui est donné de vivre dans les déplacements dans le pays. Son récit, issu de ce qu’il a écrit après-coup, marque la progression de sa compréhension et donne sa forme au film. La structure reste l’histoire d’Aya qui retrouve ses racines mais aussi la dureté du réel, lorsqu’elle comprend que sa famille a rejeté comme sorcière la grand-mère qui l’a élevée. Cette double vision mère-fils instaure dans le film un jeu que son esthétique prend malin plaisir à illustrer entre le monde de l’enfance en pleine évolution et celui des adultes qui tend à se figer dans la méfiance, les intérêts et les préjugés.
Pour aller au fond de sa démarche, Aya entraîne sa famille dans différentes contrées, jusque dans des zones peu sûres à cette époque encore proche de la guerre civile. Le paysage aidant, c’est une progression vers une subtile métaphysique qui se met en place, que Timothée perçoit comme l’entrée dans une forêt de nuages. De cette dynamique émerge cette œuvre à trois mains, originale et tonique, peut-être parfois un peu trop explicite mais aux multiples entrées et chemins vers la construction d’un nouveau regard (sur l’Afrique, sur la famille, sur soi) qui dans toutes ses phases ne peut rester qu’une énigme.

Olivier Barlet

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