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Ultraviolette et l’amour des lettres (l’Alsace)

jeudi 9 mars 2023, par La cavale

Robin Hunzinger et sa mère Claudie Hunzinger étaient au cinéma CGR ce mardi pour présenter à l’invitation du Lézard leur film Ultraviolette et le gang des cracheuses de sang. Un moment exceptionnel dans une grande salle pleine, transie d’émotion.

L’alsace : Ultraviolette et l’amour des lettres
L’Alsace

C’est ce qu’on appelle un film de festival. Par son modèle économique et son dispositif expérimental, le film n’a pas vocation à être « exploité » en salle de cinéma. Les auteurs n’en ont cure et courent les projections événementielles à travers le monde.

Par leur parcours artistique qui mêle le documentaire, les arts plastiques et la littérature, les deux Colmariens ont acquis un savoir-faire qui les distingue (prix Femina pour Claudie en 2022, meilleur film d’archives à Amsterdam pour Robin).

Justement les archives, il ne sera question que de cela. En expurgeant du fin fond d’une armoire des centaines de lettres adressées à Emma (mère de Claudie et grand-mère de Robin), les auteurs découvrent une, puis plusieurs histoires d’amour. A partir de la seule photo de Marcelle, Robin enquête, rassemble, reconstitue le parcours incandescent d’une relation hors normes, furieuse et instruite dans la France de l’entre-deux-guerres de Dijon à Briançon, en passant par les sanatoriums, ces serres enfiévrées où se consume dans la douleur et le désenchantement l’espoir d’un amour impossible.

« Le pouvoir irradiant des images »

En puisant dans les fonds d’archives des images amateures, Robin Hunzinger recrée les visages et les corps d’Emma et de Marcelle. Ces morceaux de regards caméra, graphés, bruités, disent beaucoup de la liberté, de la pugnacité et du courage de ces adolescentes pirates qui lisaient Gide et Cocteau et se baladaient à poil en forêt.

Et Claudie de renchérir : « Tout ce qui est fixe relève de nos trouvailles, tout ce qui bouge appartient à ces corps anonymes dénichés dans l’intimité des films de famille ».

Le résultat est sidérant. Un continuum d’émotions que renforce la voix off presque enfantine de Claudie lisant les lettres de Marcelle ou livrant son propre commentaire avec cette qualité d’écriture repérée dans L’Incandescente (Grasset 2016).

Les inserts de quelques films scandaleux de l’époque (les baisers saphiques de Jeunes filles en uniforme 1931 ou l’orgasme de Hedy Lamarr dans Extase 1933) viennent illustrer ce que Robin appelle « le pouvoir irradiant des images. »

Les cracheuses de sang avaient pour elles l’amour des lettres d’amour.