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Ultraviolette dans Les Matins du samedi sur France Culture

dimanche 3 décembre 2023, par La cavale

Robin Hunzinger signe "Ultraviolette et le Gang des cracheuses de sang", un film documentaire original, aussi réel que poétique, tiré d’un récit familial intime et composé d’images d’archives, autour de la jeunesse, de la maladie, la féminité et la pulsion de vie.

Avec
Robin Hunzinger documentariste

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-le-samedi/la-liberte-du-sanatorium-3353222

C’est un documentaire, fait d’images éparses et d’archives hétérogènes. Des images qui composent pourtant un puzzle, tissent un récit, dessinent les contours d’une vie. De deux vies, plus exactement.
Deux existences féminines, deux ombres qui se déploient en France dans les années 20. La première s’appelle Emma : elle est la grand-mère du réalisateur, la mère de l’autrice. La seconde se prénomme Marcelle : elle est vivante comme le feu, indépendante comme l’eau pure, amoureuse de la première... Mais elle tombe malade.

Frappée de tuberculose, elle continue d’écrire à Emma, de lui dire son amour. Elle raconte le sanatorium, la liberté qu’elle y trouve, à la lisière de la mort qui vient et s’approche. Ce documentaire superbe, émouvant, s’intitule Ultraviolette et le gang des cracheuses de sang. Il est disponible pour quelques jours encore sur la plateforme Tënk. Et c’est pourquoi nous avons souhaité vous en parler ce matin, avec son réalisateur Robin Hunzinger...

Mille lettres et pas d’images

"Emma, c’est ma grand-mère. Elle m’a élevée depuis mon enfance, mon adolescence, jusqu’à sa mort en 1987. Et quand elle est morte, j’ai récupéré ses carnets où elle racontait sa jeunesse. Et de ça, j’en ai fait un premier film qui s’appelle « Où sont nos amoureuses ? »

Mais il restait dans une armoire un petit fantôme qu’on n’avait pas visité. Ce petit fantôme c’était mille lettres de jeune fille qui étaient rassemblées ensemble, période par période. Et ce petit fantôme, il est resté dans cette armoire entre 1930 et 2015. En 2015, j’ai ouvert cette boîte à lettres et j’ai commencé à lire ces mille lettres. Et j’ai été totalement fasciné par la puissance de liberté, par la puissance de révolte par la puissance d’amour qu’elle avait. Par la puissance de l’écriture aussi. Mais je n’avais aucune photo d’elle. Et je me demandais comment je pourrais faire un film sur elle. Et j’ai eu envie de la créer, de l’inventer, de l’imaginer avec des images préexistantes, avec des images faites par d’autres."

Le film agrège donc des images issues de différents fonds, de films amateurs et expérimentaux notamment. "Je suis allé chercher des heures et des heures d’images, d’archives amateurs, comme si je faisais un collage, comme si tout à coup j’essayais de la restituer, de trouver ses manières de... de tenir une cigarette, de courir, de marcher, de vivre. Et j’ai commencé à faire des chutiers de jeunes filles brunes, courant, marchant, étant dans la montagne, campant, mais aussi dans des sanatoriums."

Liberté et sanatorium

L’univers du sanatorium est dans ce film très particulier, ambivalent. Soirées dans les chambres, lueurs des bougies, cigarettes, déguisements, courses dans les couloirs, courses dans le parc, séances de cinéma en plein air dans la nuit. Le sanatorium c’est pour beaucoup la prison, en tout cas c’est l’univers médical et froid. Et pourtant Marcelle elle va recréer dans cet endroit un formidable espace de liberté accompagné d’autres jeunes femmes.

"Marcelle, quand elle arrive au sanatorium et qu’elle va rencontrer d’autres jeunes filles, Hélène, Bijou, Marguerite, qu’elles vont créer ensemble comme un petit phalanstère de liberté. Et il faut imaginer qu’en 1929, c’est le moment où elles sont dans le sanatorium, sortent les Enfants Terribles de Cocteau. Elles ont lu aussi les Nourritures Terrestres de Gide et elles vont chercher d’une manière éperdue à avoir de la liberté parce qu’elles sont quand même dans un lieu carcéral, le sanatorium, on les enferme. On ne peut pas en sortir comme ça. Et elles, à chaque fois qu’on veut les enfermer, à chaque fois qu’on fait des opérations, elles sont là et elles se battent farouchement pour leur liberté."

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-le-samedi/la-liberte-du-sanatorium-3353222